Le froid est vif au soir du mercredi 24 novembre 2021. Il est 18 heures : la nuit est déjà tombée depuis plus d’une heure et la place Lise Girardin aux abords de la Gare Cornavin, se peuple progressivement de citoyens emmitouflés. Très vite, elle devient noire de monde. Qu’est-ce qui pousse donc ces Genevois à braver la bise hivernale un soir glacial de semaine? Pour le savoir, un coup d’œil aux pancartes qui s’élèvent peu à peu suffit : « Zemmour casse-toi, Genève est Antifa ! » La foule répond ainsi à l’appel à manifester de la coalition de diverses associations de défense des minorités, partis politiques et syndicats de gauche exprimant leur désaccord avec la venue de la figure d’extrême droite française, Eric Zemmour. Le polémiste ultra-controversé était en effet attendu dans la ville le soir même, pour un débat avec l’avocat genevois Marc Bonnant.
18 : 30
« Nous sommes la Genève anti-fasciste! » C’est sur ce cri que le cortège se met en branle. « Nous luttons contre la banalisation du fascisme en nous opposant à la diffusion de ses idées nauséabondes, explique un membre de l’association la Silure. Feindre d’ignorer les discours réactionnaires de Zemmour, c’est s’en rendre complice ». Estimée à 700 personnes par les forces de police interrogées, plus de 1000 par les médias et 2000 par les organisateurs, la foule entame sa descente du cortège à Chantepoulet. L’ambiance est étonnamment calme, et ce malgré la présence de nombreuses associations connues pour la véhémence de leurs actions protestataires. C’est que le cortège ne rassemble pas que des habitués des manifestations, mais également des personnes âgées, des enfants et des personnes à mobilité réduite. Interrogés sur la liberté d’expression, argument avancé par certains pour légitimer la venue du polémiste, la réponse des manifestants est unanime : non, on ne peut pas tout dire, et les discours haineux du Français ne sont pas les bienvenus à Genève. Un groupe d’aînés arborant des vestes estampillées « Les patriarches » s’exclame : « Nous n’accepterons jamais la propagation des idées fascistes. Cela n’a pas sa place ici ! ».
19 : 00
Le défilé chemine dans la ville au son des tambours et des slogans anti-fascistes. Des fumigènes embrasent périodiquement l’obscurité sous les vivas de la foule, mais hormis quelques tags, la manifestation progresse sans heurts. Les manifestants, toujours plus nombreux, bifurquent sur le quai du Mont Blanc. La vue des hôtels de luxe arborant leurs parures de Noël provoque quelques grimaces dans la foule. Ces établissements viennent en effet rappeler l’hôtel Hilton, emplacement choisi pour le débat après que la Ville de Genève a refusé de mettre à disposition ses locaux pour accueillir Eric Zemmour. « Nous étions déterminés à manifester sur les lieux de la rencontre, déplore un organisateur. Mais le Conseil d’État a refusé cette demande légitime et a même voulu réduire cet évènement à un simple rassemblement ».
Une rumeur se propage alors dans le cortège : les médias annoncent l’évacuation de l’hôtel Hilton situé à l’extérieur de la ville près de l’aéroport Cointrin suite à une alerte au colis piégé. Cette nouvelle provoque sourires amusés, vivas, mais aussi froncements de sourcils. « Si c’est vrai, ça va trop loin », regrette un manifestant.
Dans la foule pourtant, peu de miséricorde pour le seul hôtel ayant accepté d’héberger le polémiste. « Zemmour n’a même pas osé sortir à la Gare Cornavin, préférant s’arrêter à Bellegarde, commente un membre du collectif Action Antifasciste Genève (AFA). Sa petite sauterie à 200 francs la place n’a pas trouvé de lieu au centre-ville et a dû se faire dans la périphérie, en semi-clandestinité, comme un vulgaire concert de rock néonazi »
19 : 30
Les manifestants quittent bientôt les rues désertes du bord du lac pour pénétrer dans les rues des Pâquis où les habitants du quartier leur réservent un accueil bruyant et chaleureux. Massés aux fenêtres de leurs appartements, ils acclament le cortège à grand renfort de casseroles et de tambours de fortune. C’est que les idées ouvertement racistes et xénophobes de Zemmour rencontrent peu d’adeptes dans ce quartier où la mixité culturelle est brandie telle un étendard. Ce soutien redonne vie à la procession : les slogans redoublent d’intensité, une vague d’énergie galvanise la foule.
Elle progresse rapidement sur la Rue de Lausanne et atteint la gare où l’attend un accueil bien différent de celui des Pâquis. D’abord très réduit, l’ampleur du dispositif policier déployé se dévoile soudainement alors que la manifestation approche du quartier des Grottes, son lieu d’arrivée. Dans chaque rue avoisinante, dissimulés derrière les buissons et les voitures, des dizaines de policiers anti-émeutes, apparemment tendus, surveillent à distance le défilé. Le rotor d’un hélicoptère de police résonne dans la nuit. Une présence jugée excessive par des manifestants pourtant pacifiques. Un organisateur dénonce : « Ce déploiement démesuré - fourgons, contrôles préventifs et hélicoptère - est donc considéré légitime pour permettre à un polémiste d’exprimer sa haine et à contenir l’expression d’un juste ressentiment » Le rassemblement s’achève à 20:30 dans la musique et les vivas sur la place des Grottes. Et si de nombreuses critiques voient dans cette manifestation l’expression d’une gauche genevoise hostile au débat d’idées, cette dernière y voit plutôt celle de partis unis contre le fascisme et l’extrême droite. « Nous étions antifascistes, féministes, antiracistes, syndicalistes, jeunes et vieux militants, habitants des quartiers populaires, sympathisants de passage, résume le site alternatif Renversé. Nous sommes la Genève antifasciste.
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« Nous sommes la Genève anti-fasciste! » C’est sur ce cri que le cortège se met en branle. « Nous luttons contre la banalisation du fascisme en nous opposant à la diffusion de ses idées nauséabondes, explique un membre de l’association la Silure. Feindre d’ignorer les discours réactionnaires de Zemmour, c’est s’en rendre complice ». Estimée à 700 personnes par les forces de police interrogées, plus de 1000 par les médias et 2000 par les organisateurs, la foule entame sa descente du cortège à Chantepoulet. L’ambiance est étonnamment calme, et ce malgré la présence de nombreuses associations connues pour la véhémence de leurs actions protestataires. C’est que le cortège ne rassemble pas que des habitués des manifestations, mais également des personnes âgées, des enfants et des personnes à mobilité réduite. Interrogés sur la liberté d’expression, argument avancé par certains pour légitimer la venue du polémiste, la réponse des manifestants est unanime : non, on ne peut pas tout dire, et les discours haineux du Français ne sont pas les bienvenus à Genève. Un groupe d’aînés arborant des vestes estampillées « Les patriarches » s’exclame : « Nous n’accepterons jamais la propagation des idées fascistes. Cela n’a pas sa place ici ! ».
19 : 00
Le défilé chemine dans la ville au son des tambours et des slogans anti-fascistes. Des fumigènes embrasent périodiquement l’obscurité sous les vivas de la foule, mais hormis quelques tags, la manifestation progresse sans heurts. Les manifestants, toujours plus nombreux, bifurquent sur le quai du Mont Blanc. La vue des hôtels de luxe arborant leurs parures de Noël provoque quelques grimaces dans la foule. Ces établissements viennent en effet rappeler l’hôtel Hilton, emplacement choisi pour le débat après que la Ville de Genève a refusé de mettre à disposition ses locaux pour accueillir Eric Zemmour. « Nous étions déterminés à manifester sur les lieux de la rencontre, déplore un organisateur. Mais le Conseil d’État a refusé cette demande légitime et a même voulu réduire cet évènement à un simple rassemblement ».
Une rumeur se propage alors dans le cortège : les médias annoncent l’évacuation de l’hôtel Hilton situé à l’extérieur de la ville près de l’aéroport Cointrin suite à une alerte au colis piégé. Cette nouvelle provoque sourires amusés, vivas, mais aussi froncements de sourcils. « Si c’est vrai, ça va trop loin », regrette un manifestant.
Dans la foule pourtant, peu de miséricorde pour le seul hôtel ayant accepté d’héberger le polémiste. « Zemmour n’a même pas osé sortir à la Gare Cornavin, préférant s’arrêter à Bellegarde, commente un membre du collectif Action Antifasciste Genève (AFA). Sa petite sauterie à 200 francs la place n’a pas trouvé de lieu au centre-ville et a dû se faire dans la périphérie, en semi-clandestinité, comme un vulgaire concert de rock néonazi »
19 : 30
Les manifestants quittent bientôt les rues désertes du bord du lac pour pénétrer dans les rues des Pâquis où les habitants du quartier leur réservent un accueil bruyant et chaleureux. Massés aux fenêtres de leurs appartements, ils acclament le cortège à grand renfort de casseroles et de tambours de fortune. C’est que les idées ouvertement racistes et xénophobes de Zemmour rencontrent peu d’adeptes dans ce quartier où la mixité culturelle est brandie telle un étendard. Ce soutien redonne vie à la procession : les slogans redoublent d’intensité, une vague d’énergie galvanise la foule.
Elle progresse rapidement sur la Rue de Lausanne et atteint la gare où l’attend un accueil bien différent de celui des Pâquis. D’abord très réduit, l’ampleur du dispositif policier déployé se dévoile soudainement alors que la manifestation approche du quartier des Grottes, son lieu d’arrivée. Dans chaque rue avoisinante, dissimulés derrière les buissons et les voitures, des dizaines de policiers anti-émeutes, apparemment tendus, surveillent à distance le défilé. Le rotor d’un hélicoptère de police résonne dans la nuit. Une présence jugée excessive par des manifestants pourtant pacifiques. Un organisateur dénonce : « Ce déploiement démesuré - fourgons, contrôles préventifs et hélicoptère - est donc considéré légitime pour permettre à un polémiste d’exprimer sa haine et à contenir l’expression d’un juste ressentiment » Le rassemblement s’achève à 20:30 dans la musique et les vivas sur la place des Grottes. Et si de nombreuses critiques voient dans cette manifestation l’expression d’une gauche genevoise hostile au débat d’idées, cette dernière y voit plutôt celle de partis unis contre le fascisme et l’extrême droite. « Nous étions antifascistes, féministes, antiracistes, syndicalistes, jeunes et vieux militants, habitants des quartiers populaires, sympathisants de passage, résume le site alternatif Renversé. Nous sommes la Genève antifasciste.
