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Toxicomanie : Le futur centre plébiscité par les consommateurs

Vendredi 21 Octobre 2016

Dix ans après le refus du principe d’un local d’injection de drogues à Lausanne, la Municipalité présente un nouveau projet pilote qui va dans ce sens. Si le projet est validé par le Conseil communal, il verra le jour en 2017, place du Vallon. Un projet plébiscité par les consommateurs.


Afin de combler les lacunes dans sa politique en matière de drogues, la Municipalité propose d’ouvrir un espace semblable à un local d’injection. Cet « espace de consommation contrôlé », ainsi nommé, offre comme un soulagement aux consommateurs. Après une enquête de terrain réalisée à la place de Riponne auprès des consommateurs réguliers, la majorité s’est exprimée favorablement à la création du centre.

Sur trente-cinq personnes interrogées un soir de semaine, vingt-cinq considèrent cet espace comme bénéfique et pensent s’y rendre lors de son ouverture. Trois arguments majeurs ont émergé lors de l’enquête. A savoir la possibilité de consommer dans un endroit propre et sécurisé, qui diminue le risque de transmission et redonne de la dignité aux consommateurs. Ensuite la diminution du stress lors des injections permettant d’éviter les injections faites à la va-vite et diminuant ainsi le risque d’overdose. Finalement, « l’acceptation de la toxicomanie comme une maladie ».

Pour les consommateurs s’étant positionnés contre, seulement deux d’entre eux y étaient défavorables pour des raisons éthiques. La réticence des autres venaient principalement d’un manque de confiance dûe à une méconnaissance du projet. « Vu qu’on doit venir avec notre propre marchandise, la police n’aurait cas nous intercepter devant le centre », a exprimé l’un d’entre eux.

Réduction des risques et accompagnement

« Le but du centre est d’optimiser le nombre de consommations faites à l’intérieur et de limiter au plus le nombre faites sur l’espace public », explique Nicolas Piyout, directeur de la Fondation ABS. « Pour cette raison, il n’y aura donc pas de limitation sur le nombre de fois où un consommateur pourra se rendre au centre en une journée ». La personne devra toutefois se soumettre à un examen avant que l’aval de consommer ne soit donné. Elle devra également annoncer ce qu’elle va consommer et dans quelles quantités, afin de diminuer les risques d’overdose.

La vocation du centre est également de favoriser le lien entre la réduction de risques et le passage à la thérapie. « Nous collaborons avec le réseau thérapeutique vaudois, en particulier la Fondation Le Levant*, et le service d’alcoologie du CHUV. Une psychologue de ce service est affectée à la Fondation ABS à 50% pour offrir des consultations spécialisées ainsi qu’un soutien psychologique aux personnes qui le désirent. Nous créons ainsi un réseau autour du centre pour accompagner les personnes volontaires dans les démarches nécessaires pour aller en thérapie », conclut-il.
 
*Centre spécialisé du traitement des addictions et de l’insertion socioprofessionnelle en Suisse Romande.
 
Fonctionnement
L’espace disposera de 4 places pour l’injection, 4 pour l’inhalation et 2 places de sniff. D’après Nicolas Piyout, le fonctionnement de l’espace de consommation sera calqué sur celui du Quai 9 à Genève. A savoir que le temps de passage sera délimité (env. 30 minutes pour l’injection et env. 45 pour l’inhalation) et que les passages se feront sur liste d’attente.
Avant chaque passage, le consommateur annoncer le type et la quantité de produit qu’il désire consommer et passer une évaluation faite par un infirmier pour que le feu vert lui soit donné. En fonction des déclarations de la personne ainsi que de son état, la possibilité d’aller consommer sera accordée.
Durant les premiers temps, le projet sera en évaluation permanente afin d’examiner son évolution durant la phase pilote de 3 ans. « En fonction des résultats de l’évaluation, il y a possibilité que les structures soient agrandies, mais cela dépendra des autorités », expose Nicolas Piyout. « Nous allons essayer de nous adapter au mieux en fonction de la demande de la réalité observée sur le terrain. Le but étant d’être souple et évolutif ».
 
 
Un projet de réinsertion
Sa corrélation avec un projet de réinsertion a pour but ouvrir de nouvelles perspectives aux personnes démunies. Le service social a lancé un projet de « jobs à seuils adaptés », qui consiste à travailler selon la disponibilité et la santé des consommateurs. « Ceux-ci sont avant tout des personnes ayant besoin de regagner l’estime qu’elles ont d’elles-mêmes. Ces jobs permettront de leur redonner de la dignité ainsi qu’une reconnaissance sociale », explique Oscar Tosato, le Municipal lausannois en charge du dossier.
 
Résultats positifs dans les autres villes
D’après les études menées dans les espaces de consommation de différentes villes de Suisse (Genève, Bâle, Zurich, Soleure, Schaffhouze, Bienne, Lucerne) ainsi qu’à l’étranger, il a été démontré que :
· Les espaces ont contribué de manière très significative à la disparition des scènes ouvertes ;
· Les espaces ont contribué à l’amélioration de l’état de santé des consommateurs, notamment en favorisant d’autres modes de consommation que l’injection ;
· La majorité des usagers ne consomme plus, ou consomme moins, dans l’espace public, et y rejette moins de déchets ;
· La majorité des usagers voit sa situation sociale et sanitaire s’améliorer ;
· Il n’y a pas d’augmentation du nombre de consommateurs ou de la consommation du fait de l’ouverture de l’espace sécurisé.
 
Lausanne prête à rattraper son retard
 
D’après Oscar Tosato, conseiller Municipal de la ville de Lausanne et responsable de l'Education, le nouvel « espace de consommation contrôlée » a cette fois toutes ses chances d’être validé. Il s’inscrit en effet parfaitement dans la politique de la municipalité en matière de drogue.
 
La Municipalité de Lausanne lance un projet pilote semblable au local d’injection appelé « espace de consommation contrôlé ». Pensez-vous que ce nouveau projet va cette fois être accepté par la ville ?

Ça ne fait aucun doute. Le projet rentre parfaitement dans la politique de la ville de Lausanne en matière de drogue. Il lui reste encore à être examiné par le Conseil communal. Il est possible que ce dernier y fasse des modifications, mais je suis confiant.

L’Association romande contre la drogue (ARCD) prévoit de lancer un référendum si le projet est validé. Selon vous, ce dernier pourrait-il être menacé ?

Je ne pense pas rencontrer de réelle opposition du côté des Lausannois. Ceux-ci ont accepté le principe des quatre piliers (prévention, thérapie, réduction des risques et répression) lors de la révision de la loi sur les stupéfiants en 2008. Et le projet s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Si un référendum est lancé, il y aura débat, mais le bon sens l’emportera.

La ville de Lausanne est la dernière grande ville de Suisse à ne pas disposer d’un tel espace. Quelles ont été les raisons de l’opposition lors du dernier projet ?

Premièrement l’aspect éthique – certaines personnes préconisent l’abstinence comme seule solution face à la toxicomanie. Ensuite le dernier projet incluait, en plus du local d’injection, la création d’un « bistrot social ». Ceci n’a pas séduit la ville qui a eu peur que cela favorisent la consommation d’alcool et de drogue des toxicomanes.

Pourquoi ce projet a-t-il plus de chance d’être approuvé que le précédent ?

L’expérience réalisée ces dernières années dans les différents centres en Suisse ou à l’étranger, a permis de démontrer les conséquences positives de ce type de structures. Ensuite, nous avons fourni plus d’informations sur ce nouveau projet, comme l’endroit où l’espace sera créé et par qui il sera géré. Données qui n’étaient pas mentionnées lors du précédent projet. Ceci devrait davantage donner confiance aux Lausannois.

Ce projet permettra donc de résoudre les problèmes liés à la consommation de drogues ?

En toute honnêteté, l’espace de consommation sécurisé ne va pas régler tous les problèmes liés à la consommation de drogue. Mais c’est une étape importante dans le processus de résolution de ces problèmes. C’est le devoir des autorités que de protéger les citoyens. Et les toxicomanes sont des citoyens comme les autres.
 

Sophie Cusin


L’Ecole de Iournalisme et de Communication de Genève

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