Une allure discrète, une attitude empreinte d’une certaine retenue, mais des yeux décidés. La journaliste de 32 ans apparaît quelque peu réservée au premier abord, mais c’est avec une ouverture joviale et franche qu’elle se livre au fur et à mesure de la conversation. « Je ressentais un besoin d’immersion ainsi que d’exploration d’un nouveau format de reportage », commence-t-elle par révéler. Voici ce qui pousse la jeune femme à relever un défi que peu journalistes ont le courage ou le temps de relever : s’immerger dans la réalité de la crise migratoire qui déferle aujourd’hui sur l’Europe. Lors de l’automne 2015, la jeune femme part un mois sur l’île grecque de Leros. Un séjour passé à proximité d’un camp de réfugiés qui aboutit à la publication récente d’un livre intitulé « Leros, île au cœur de la crise migratoire ». L’ouvrage raconte son témoignage ainsi que celui du photographe Pierre-Emmanuel Fehr, avec qui elle coréalise le projet. « Son travail et le mien forment deux narrations, deux regards différents », explique-t-elle.
Une jeunesse ponctuée de voyages
Si l’expérience dans ce contexte humanitaire était inédite, Laure n’en est pas à son premier voyage. Depuis l’adolescence, elle s’envole régulièrement à la découverte d’autres horizons. Avant de partir à la conquête du monde, elle passe son enfance et adolescence à Confignon, entourée de deux parents avocats. Sa mère défend des femmes victimes de violences. Une force de travail et un engagement qui ont sans doute influencés Laure.
L’adolescence et ses crises arrivant, ces parents l’envoient en Allemagne pour un séjour linguistique. C’est durant ce séjour qu’elle prend goût aux voyages et exprime sa soif de partir pour des terres plus lointaines. Malgré son jeune âge, elle obtient finalement gain de cause. Après plusieurs mois de négociations, sa mère accepte de la laisser partir en Equateur par le biais d’une association.
A 17 ans, elle met le pied pour la première fois en Amérique Latine. Lorsque qu’elle se replonge dans ce souvenir, une tension nait sur son visage ainsi qu’une expression amère. Elle décrit ce second voyage comme une expérience difficile, de celles qui laissent des marques durant de longues années. Arrivée dans une ville au climat très conservateur, elle y reste une année dans une famille qui fait preuve de dureté et de négligence à son égard. « Il n’y avait pas, pour moi, d’autre case que celle de la « gringa ». Mais j’étais trop fière pour écourter mon séjour et puis, je suis tombée amoureuse ». Un pays où elle retourne pourtant 10 ans plus tard, cette fois en tant que journaliste. « Ce deuxième voyage en Equateur m’a permis de me réconcilier avec le pays ainsi qu’à mes vieilles blessures de cicatriser », livre-t-elle avec cette fois un visage apaisé et confiant.
« C’est commencer à écrire sur les autres qui a donné un sens à l’écriture »
Avant ce second voyage en Equateur, elle décroche un master en études internationales, ponctué par divers séjours Erasmus à travers l’Europe. C’est par hasard qu’elle s’est finalement intéressée au journalisme. « Comme tout le monde je voulais changer le monde. Au départ, j’ai pensé à la diplomatie, mais j’ai trop de franc-parlé. Ensuite à l’humanitaire, mais ça ne me correspondait pas non plus ».
Lorsqu’elle étudie les sciences politiques à Paris, elle postule spontanément au Courrier international où elle obtient un stage. L’hebdomadaire français la charge de sélectionner des articles pour la section Amérique Latine. De retour en Suisse, elle dégote un second stage au Temps, bien qu’elle n’ait aucune de notions de l’écriture journalistique. « Avant ce stage, je n’avais jamais écrit d’article », confesse la jeune femme, mais j’ai attendu le premier jour du stage pour annoncer la couleur ». Une anecdote qui illustre bien le cran et la détermination de la jeune femme.
Les yeux pétillants, elle explique ensuite que c’est sous la gouverne de Stéphane Bonvin, ancien journaliste à la rubrique Société du grand quotidien romand, qu’elle se familiarise avec l’écriture journalistique. C’est ce dernier qui lui confie également ses premières piges. La Genevoise, qui avait déjà commencé à écrire dès ses jeunes années, découvre alors une nouvelle manière d’écrire, qui est pour elle révélatrice. « Ecrire pour un journal m’a permis de passer d’une écriture personnelle à une écriture qui transmet quelque chose. C’est commencer à écrire sur les autres qui a donné un sens à l’écriture ».
C’est par une coïncidence qu’elle envoie ensuite une demande de stage à la Tribune de Genève, au moment précis où la rédaction cherche des stagiaires RP. Après deux ans de stage, elle obtient un emploi fixe en 2010. Pas question d’arrêter de voyager pour autant. Elle négocie un contrat à temps-partiel lui permettant de prendre chaque année ses jours de congé en bloc, et de pourvoir continuer à voyager. C’est dans ce cadre qu’elle réalise plusieurs reportages à l’étranger pour le compte de la Tribune, dont celui en Equateur.
En 2014, elle travaille deux mois pour une radio en Haïti dans le cadre d’un programme de la Direction du développement et de la coopération suisse. C’est après ce voyage qu’elle décide de travailler sur les migrations, ce qui l’amène finalement à partir un mois à Leros l’année suivante. Voyage qu’elle réalise en indépendante, avec comme finalité la publication du livre.
« J’ai l’impression qu’avec ce livre, la boucle est bouclée »
« Je voulais sortir du cadre de l’article, prendre le temps de tester un autre format de narration », expose-t-elle d’un air résolu. La journaliste confie que devoir condenser ses expériences et son vécu dans un format de reportage classique créait chez elle une certaine frustration. Après 15 ans de voyages, la jeune femme a enfin trouvé un support qui lui laisse l’espace pour s’exprimer.
« L’adolescente qui n’arrivait pas à extérioriser ses expériences a enfin trouvé un moyen de partager son regard sur le monde ». C’est d’ailleurs avec sagesse et sérénité qu’elle évoque ce dernier voyage : l’impulsion qui la poussait à prendre le large lors de son adolescence a laissé place à un désir de construction, s’étant trouvée à travers ce nouveau moyen d’expression. « Si dans mes jeunes années mon écriture était centrée sur moi, elle met maintenant l’autre au centre. C’est probablement ce qui donne un autre sens au voyage ».
La prochaine destination ? Laure l’a déjà décidée mais la garde pour elle. Lorsqu’on lui demande si elle serait prête à partir définitivement, elle confie avoir peur de faire le grand saut. « J’ai malgré tout besoin d’un cadre et d’une structure pour m’élancer dans le monde », conclut-elle. « Si j’étends mes branches un peu partout, mes racines se trouvent ici ».
crédits photo: @Olivier Vogelsang
Une jeunesse ponctuée de voyages
Si l’expérience dans ce contexte humanitaire était inédite, Laure n’en est pas à son premier voyage. Depuis l’adolescence, elle s’envole régulièrement à la découverte d’autres horizons. Avant de partir à la conquête du monde, elle passe son enfance et adolescence à Confignon, entourée de deux parents avocats. Sa mère défend des femmes victimes de violences. Une force de travail et un engagement qui ont sans doute influencés Laure.
L’adolescence et ses crises arrivant, ces parents l’envoient en Allemagne pour un séjour linguistique. C’est durant ce séjour qu’elle prend goût aux voyages et exprime sa soif de partir pour des terres plus lointaines. Malgré son jeune âge, elle obtient finalement gain de cause. Après plusieurs mois de négociations, sa mère accepte de la laisser partir en Equateur par le biais d’une association.
A 17 ans, elle met le pied pour la première fois en Amérique Latine. Lorsque qu’elle se replonge dans ce souvenir, une tension nait sur son visage ainsi qu’une expression amère. Elle décrit ce second voyage comme une expérience difficile, de celles qui laissent des marques durant de longues années. Arrivée dans une ville au climat très conservateur, elle y reste une année dans une famille qui fait preuve de dureté et de négligence à son égard. « Il n’y avait pas, pour moi, d’autre case que celle de la « gringa ». Mais j’étais trop fière pour écourter mon séjour et puis, je suis tombée amoureuse ». Un pays où elle retourne pourtant 10 ans plus tard, cette fois en tant que journaliste. « Ce deuxième voyage en Equateur m’a permis de me réconcilier avec le pays ainsi qu’à mes vieilles blessures de cicatriser », livre-t-elle avec cette fois un visage apaisé et confiant.
« C’est commencer à écrire sur les autres qui a donné un sens à l’écriture »
Avant ce second voyage en Equateur, elle décroche un master en études internationales, ponctué par divers séjours Erasmus à travers l’Europe. C’est par hasard qu’elle s’est finalement intéressée au journalisme. « Comme tout le monde je voulais changer le monde. Au départ, j’ai pensé à la diplomatie, mais j’ai trop de franc-parlé. Ensuite à l’humanitaire, mais ça ne me correspondait pas non plus ».
Lorsqu’elle étudie les sciences politiques à Paris, elle postule spontanément au Courrier international où elle obtient un stage. L’hebdomadaire français la charge de sélectionner des articles pour la section Amérique Latine. De retour en Suisse, elle dégote un second stage au Temps, bien qu’elle n’ait aucune de notions de l’écriture journalistique. « Avant ce stage, je n’avais jamais écrit d’article », confesse la jeune femme, mais j’ai attendu le premier jour du stage pour annoncer la couleur ». Une anecdote qui illustre bien le cran et la détermination de la jeune femme.
Les yeux pétillants, elle explique ensuite que c’est sous la gouverne de Stéphane Bonvin, ancien journaliste à la rubrique Société du grand quotidien romand, qu’elle se familiarise avec l’écriture journalistique. C’est ce dernier qui lui confie également ses premières piges. La Genevoise, qui avait déjà commencé à écrire dès ses jeunes années, découvre alors une nouvelle manière d’écrire, qui est pour elle révélatrice. « Ecrire pour un journal m’a permis de passer d’une écriture personnelle à une écriture qui transmet quelque chose. C’est commencer à écrire sur les autres qui a donné un sens à l’écriture ».
C’est par une coïncidence qu’elle envoie ensuite une demande de stage à la Tribune de Genève, au moment précis où la rédaction cherche des stagiaires RP. Après deux ans de stage, elle obtient un emploi fixe en 2010. Pas question d’arrêter de voyager pour autant. Elle négocie un contrat à temps-partiel lui permettant de prendre chaque année ses jours de congé en bloc, et de pourvoir continuer à voyager. C’est dans ce cadre qu’elle réalise plusieurs reportages à l’étranger pour le compte de la Tribune, dont celui en Equateur.
En 2014, elle travaille deux mois pour une radio en Haïti dans le cadre d’un programme de la Direction du développement et de la coopération suisse. C’est après ce voyage qu’elle décide de travailler sur les migrations, ce qui l’amène finalement à partir un mois à Leros l’année suivante. Voyage qu’elle réalise en indépendante, avec comme finalité la publication du livre.
« J’ai l’impression qu’avec ce livre, la boucle est bouclée »
« Je voulais sortir du cadre de l’article, prendre le temps de tester un autre format de narration », expose-t-elle d’un air résolu. La journaliste confie que devoir condenser ses expériences et son vécu dans un format de reportage classique créait chez elle une certaine frustration. Après 15 ans de voyages, la jeune femme a enfin trouvé un support qui lui laisse l’espace pour s’exprimer.
« L’adolescente qui n’arrivait pas à extérioriser ses expériences a enfin trouvé un moyen de partager son regard sur le monde ». C’est d’ailleurs avec sagesse et sérénité qu’elle évoque ce dernier voyage : l’impulsion qui la poussait à prendre le large lors de son adolescence a laissé place à un désir de construction, s’étant trouvée à travers ce nouveau moyen d’expression. « Si dans mes jeunes années mon écriture était centrée sur moi, elle met maintenant l’autre au centre. C’est probablement ce qui donne un autre sens au voyage ».
La prochaine destination ? Laure l’a déjà décidée mais la garde pour elle. Lorsqu’on lui demande si elle serait prête à partir définitivement, elle confie avoir peur de faire le grand saut. « J’ai malgré tout besoin d’un cadre et d’une structure pour m’élancer dans le monde », conclut-elle. « Si j’étends mes branches un peu partout, mes racines se trouvent ici ».
« Donner un visage humain à l’histoire récente » « Dans le livre, la géopolitique sert de décor. La lumière est mise sur les personnes rencontrées afin de donner un visage humain à l’histoire récente ». Le livre, dont la narration est faite à la première personne du singulier, est un mélange entre journal de bord et enquête journalistique. Un choix assumé par la journaliste qui ne voulait pas dissimuler son ressenti, afin d’offrir un récit « coloré et vivant » qui rende justice à « la beauté des gens et de l’île ». Elle évoque aussi la difficulté de rester dans son rôle de journaliste et de l’importance de garder de la distance avec les migrants. « Mon rôle était de recueillir des témoignages, et non de faire du bénévolat. Si ça paraît frustrant sur le moment, c’est après coup que le travail prend un sens », confie-t-elle. | |
Biographie 29 août 1984 : Naissance 1999 : Voyage en Allemagne 2001-2002 : Voyage en Equateur 2004-2009 : Bachelor en sciences sociales 2007-2009 : Master en études internationales 2011-2012 : Formation professionnelle de journaliste 2011 : Prix Médias pour les jeunes journalistes de l’Association des journalistes catholiques 2010 : Contrat à la Tribune 2012 : Second voyage en Equateur 2014 : Voyage en Haïti Octobre-Novembre 2015 : Voyage à Leros Septembre 2016 : Publication du livre |
crédits photo: @Olivier Vogelsang