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Haydé Ardalan, des animaux à la cuisine, de l’Iran à la Suisse, une vie de passions

Mercredi 18 Août 2021

Artiste lausannoise reconnue, d’origine iranienne, la graphiste et illustratrice Haydé Ardalan est une femme au parcours professionnel riche. Personne entière, elle a trouvé dans l’art un moyen d’exprimer ses émotions et de se consoler lorsque le monde qui l’entoure la déçoit.


C’est à l’âge de 19 ans qu’Haydé Ardalan arrive en Suisse. Un « pays de vieux » pour la fille d’une artiste et d’un diplomate iraniens. Elle qui rêvait d’une école à Paris ou à Londres, elle pose ses valises à Lausanne, qu’elle ne quittera plus, sauf pour les voyages. Graphiste mais aussi illustratrice, son travail a évolué au fil des années, tout en laissant une place de choix aux animaux, sa passion depuis toujours. À la fois drôle et sérieuse, confiante et angoissée, passionnée et résignée, les nombreux traits de caractère de l’artiste lausannoise en font une personne profondément attachante.
Une passion
Assise dans son atelier lausannois, où elle est installée depuis des dizaines d’années, Haydé Ardalan se sent un peu stressée. « C’est terrible, je pars en vacances demain et il me reste une tonne de choses à faire. Je ne peux pas partir sans avoir terminé. » Souriante, les cheveux retenus par un foulard, elle rit de ses angoisses. « J’ai déjà rangé mon bureau, mis tous les papiers importants en évidence car si l’avion devait s’écraser, j’aimerais que les gens se souviennent de moi comme de quelqu’un d’organisé. Mais pour ça, il faut encore que je range toute ma cave » dit elle en riant, avant de poursuivre : « mon mari me dit que je suis complètement folle ». Née à Cologne en 1956, la petite fille se passionne rapidement pour le dessin. « Ma mère était une artiste. J’étais toujours fourrée dans son atelier, j’adorais cet endroit ». À l’école aussi, c’est le cours de dessin qui retient toute son attention et déjà à cette époque, l’animal est son sujet de prédilection. Comme pour appuyer ses dires, elle sort une toile peinte quand elle n’avait que quinze ans: déjà, des animaux, entourés de couleurs vives.
Un début inattendu
C’est donc tout naturellement qu’une fois jeune adulte, elle décide de faire l’école des Beaux-Arts. « Je rêvais de faire l’école de Paris ou de Londres mais mon père, diplomate, voulait un pays sécurisé pour moi. C’est comme ça que je suis arrivée en Suisse. » Un pays que la jeune femme associe alors à la vieillesse et à l’ennui. « Ma grand-mère vivait en Suisse, alors forcément quand on venait la voir c’était assez « tranquille » ». Pourtant elle s’y installe, alors qu’elle ne parle qu’anglais. Elle débute son séjour en logeant chez les bonnes sœurs « heureusement, ce n’était que pour la nuit », dit-elle en levant les yeux au ciel.
Puis, elle se déplace à Sion pour y poursuivre ses études de graphiste et revient à Lausanne d’où elle ne partira plus. Une formation qu’elle a adorée. « À l’époque, nous n’avions pas les ordinateurs. Nous étions donc tous réunis autour de grandes tables pour partager, échanger, se conseiller. Aujourd’hui ce n’est plus comme ça et je trouve cela dommage. » Elle développera durant ses études plusieurs techniques qui font aujourd’hui sa marque de fabrique: le feutre, l’encre de chine mais aussi l’aquarelle donc la boite ne quitte jamais son bureau. « C’est drôle quand j’y pense. Je ne voulais pas venir en Suisse et finalement j’ai fait toute ma vie ici » pense-t-elle à voix haute.
Les animaux au centre
Car cette femme exubérante et attachante, âgée aujourd’hui d’une soixantaine d’années a eu beau voyager, elle n’a jamais quitté la ville. Une vingtaine d’années à L’Hebdo comme illustratrice et même durée au Petit théâtre à Lausanne pour lequel elle a produit de nombreuses affiches. « J’aimais beaucoup la liberté de pouvoir remplacer les humains par les animaux car je n’ai jamais aimé le fait qu’on puisse établir une éventuelle ressemblance entre un  de mes proches et un dessin.». Et s’il y en a un qu’elle aime particulièrement, c’est le chat. C’est d’ailleurs l’un d’eux qui a lancé son parcours d’illustratrice, au tout début de sa carrière. Milton, le fameux chat noir et blanc, décédé depuis une dizaine d’années, mais qui continue de peupler ses illustrations. « Lorsque Milton était petit, j’ai demandé à mon éditrice si je pouvais écrire un livre sur mon chat en réalisant les illustrations. » Un premier livre qui lui fera remporter le prix du plus beau livre suisse en 1997. Et aujourd’hui, elle continue de dessiner des Milton, pour le plus grand plaisir des enfants : « Je reçois souvent des dessins d’enfants avec Milton. Il y en a même qui font des histoires entières » se réjouit l’artiste. Et même si le chat reste son premier amour, elle s’est prise de passion pour les oiseaux. « Il y en a tellement moins aujourd’hui. Ça me brise le cœur». Une tristesse qui l’envahit souvent lorsqu’elle songe au dérèglement climatique et aux bouleversements qu’il produit. Alors pour se consoler, elle produit, des dessins, des peintures, des œuvres qui lui permettent d’exprimer ses émotions tout en trouvant du réconfort.
Un partage difficile
Si l’art lui sert d’échappatoire, elle reste profondément attachée aux œuvres qu’elle produit, des bribes de son existence et de ses émotions dont elle peine à se détacher. Durant sa récente exposition, elle a presque tout vendu, paradoxalement un drame pour l’artiste. « J’ai beaucoup pleuré. C’était un déchirement de voir partir tous ces tableaux » raconte-t-elle encore émue. Même si elle sait qu’elle devrait s’en réjouir, puisque durant la période du Covid, les expositions se sont faites plus rares. En mai dernier, l’artiste a tenu une exposition dans le quartier sous gare.
« C’était de la folie, il y a eu environ 150 personnes pour le vernissage. Ils étaient tous sur le trottoir car on ne pouvait pas être à l’intérieur. Le bus n’arrêtait pas de klaxonner car les gens envahissaient l’arrêt. C’était le bordel général, mais c’était surtout très drôle » raconte-t-elle hilare. Avec le recul, l’artiste se dit chanceuse d’avoir pu faire ce métier toute sa vie grâce, entre autres, à son mari qui était là pour la soutenir financièrement lorsque les fins de mois étaient difficiles.
La cuisine comme seconde passion
Mais Haydé Ardalan est aussi une femme de convictions: si l’animal a une place de choix dans son travail, il y a un lieu où il ne l’a pas du tout: son assiette. « On m’a toujours appelé la végétarienne non pratiquante. Je trouvais terrible de manger des animaux mais je le faisais quand même. Et puis un jour, j’ai décidé d’arrêter complètement. Mais par contre, je suis toujours la pro des grillades!  L’autre jour, quand je suis allée manger chez des amis et que j’ai vu le massacre qu’ils faisaient avec la côte de bœuf, je leur ai dit de se pousser et j’ai pris le relais. Mais je n’en ai pas mangé! »
Amoureuse de la cuisine, elle s’inspire de recettes internationales mais aussi beaucoup de la cuisine iranienne, rappel de ses origines. Elle garde d’ailleurs un projet tout particulier en tête. « J’aimerais beaucoup écrire et illustrer mon propre livre de cuisine. Un livre qui serait entièrement végétarien et avec beaucoup d’illustrations » songe-t-elle, un grand sourire aux lèvres.
 

Haydé en dates

1956: Naissance à Cologne

1975: Arrivée en Suisse

1997: Reçoit le prix du plus beau livre suisse pour « Milton »

2007: Décès de son chat, Milton

Mai-Juin 2021: exposition Formes et couleurs à Lausanne


Valentine Corthay


L’Ecole de Iournalisme et de Communication de Genève

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