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Confinement partiel en Suisse ou mesures drastiques en France. Comment j’ai passé la frontière pour comparer...

Lundi 27 Avril 2020

REPORTAGE - En pleine crise du Covid-19, le confinement est de rigueur. Alors que chaque pays a choisi son modèle, plus ou moins rigide, les Suisses mesurent leur chance d’avoir échappé à un confinement strict. Mais la rigueur légendaire suisse n’est-elle pas finalement plus contraignante que les mesures draconiennes mises en place par leurs voisins français ?


Jeudi 16 avril, un jour de plus à la maison. Dehors, le coronavirus fait rage. Déjà un mois a passé depuis les mesures prises par le Conseil Fédéral. En semi-confinement, la vie a ralenti, les restaurants ont fermé, les bars aussi. Le temps n’est plus au bien-être ou aux excès, seul le nécessaire n’est encore accessible. Compréhensif des enjeux mais teinté de sa discipline légendaire, le peuple suisse, dans sa globalité, respecte ces mesures. Tels de véritables apôtres derrière un gouvernement qui se veut instructif, les Suisses apprécient malgré tout la chance qu’ils ont d’avoir échappé au confinement strict.
« Vous avez de la chance vous les Suisses. Chez nous, en France, c’est le confinement strict. On ne peut pas aller se promener librement, comme vous », lâche une travailleuse frontalière du département de l’Ain. Mais qu’est-ce que cette notion de confinement strict et comment cette mesure est-elle appliquée chez nos voisins français ? J’ai voulu en savoir plus.
Un passage habituel
Ni une, ni deux, j’ai imprimé une attestation de déplacement dérogatoire française et j’ai réuni les justificatifs prouvant ma résidence secondaire en France voisine. Depuis Vevey, j’ai sauté dans le premier train pour Genève, puis j’ai emprunté le Léman Express, ce nouveau RER transfrontalier qui a bien du mal à fonctionner normalement depuis son lancement. Direction Annemasse ! Dans le train, je répète avec attention mon discours. J’ai besoin d’être crédible car je n’ai ni attestation de mon employeur comportant une adresse dans l’hexagone, ni de véritable raison de franchir la frontière. Le stress monte.
La dernière gare genevoise est passée, je prépare mes documents et j’attends l’arrivée fatidique des douaniers. Et puis rien, personne. On arrive en gare d’Annemasse, le mécanicien annonce qu’il y fait son terminus en raison de la pandémie de coronavirus. On est une dizaine à descendre, le train n’était pas bien plein. Et me voilà en France. « En entrant en France, je n’ai jamais été contrôlée. Ni par les douanes, ni par la police. Par contre pour l’entrée en Suisse, ça dépend de l’humeur des douaniers, parfois ils contrôlent, parfois pas. », explique Nora, une frontalière qui passe la frontière trois fois par semaine. À croire que les frontières ne sont pas si fermées que l’ont annoncé nos autorités.
Ambiance détendue
Un passage de frontière aussi simple que d’habitude mais il reste encore les contrôles policiers en ville. Les places sont plutôt vides, silencieuses mais en s’approchant des habitations, la vie bat son plein aux balcons et dans les jardins. Il y a beaucoup de passage dans les rues. Le gens s’arrêtent pour discuter, l’ambiance semble détendue. Pourtant les sorties sont strictement limitées. Ici on oblige chaque citoyen à se munir d’un formulaire justifiant son déplacement. Si l’on en croit les informations, des patrouilles de police semblent contrôler rigoureusement ces documents. Mais là encore, je n’ai croisé aucune patrouille.
« De toute façon, la police se concentre à chercher les fraudeurs qui se promènent ou randonnent. En ville, ils ne sont presque jamais présents », déclare un habitant. Je suis finalement arrivé chez moi sans encombre, presque un peu frustré de n’avoir fait aucune expérience extraordinaire. « Le gouvernement français parle beaucoup mais les actes n’y sont pas », précise encore Nora. Des mots qui résonnent lorsque l’on se rappelle d’Alain Berset qui déclarait : « en Suisse, on ne fait pas de politique spectacle. Freiner le virus ne peut fonctionner qu’avec l’adhésion de la population aux mesures qui ont été décidées ». L’adhésion de la population française n’y est donc peut-être pas...
« Aucune mesure dans les commerces de la région»
J’ai prévu de passer la nuit en France et de rentrer en Suisse le lendemain. Il faut donc que j’aille faire des courses mais cette idée me répugne. En effet, faire ses courses au temps du Covid-19, c’est compliqué. Je prends donc mon courage à deux mains et m’y rend.  Aux abords de la grande surface, je m’attends à voir d’immenses files d’attente. Mais non, rien.
L’entrée dans le magasin se fait naturellement : pas de quotas de clients, ni de désinfection obligatoire des mains. Pas de marquages au sol non plus et l’assortiment du magasin est intact. Tout y est vendu : habits, articles électroménagers, produits de beauté, meubles de jardin, etc. Le magasin est très fréquenté et la fameuse distance sociale n’est pas respectée. Fut-elle de seulement un mètre en France. Aux caisses, personne n’est là pour rappeler à l’ordre, pas de plexiglas non plus, les employés portent des masques et des gants. Au-delà de ça, j’ai l’impression que rien n’a changé. Est-ce comme ça dans tous les magasins ?
« Oui. Il n’y a aucune mesures prise dans les commerces de la région. D’ailleurs, depuis le début du confinement, nous préférons aller chez Migros France car il y a moins de monde et c’est mieux rangé », avoue un couple habitant dans le coin. Et d’ajouter, « nous faisons toujours nos courses à deux car nous n’avons qu’une voiture et nous profitons de faire des achats en rentrant du boulot. »
Il est temps pour moi de revenir en Suisse et d’y retrouver les patrouilles de polices en gare de Genève, les agents de sécurité à l’entrée des commerces, les marquages aux sols et ce climat de vigilance que je n’ai pas ressenti en France. À un détail près, je n’ai pas été contrôlé lors de mon retour en terres helvétiques...

Joachim Tapia-Almosnino


L’Ecole de Iournalisme et de Communication de Genève

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