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Christophe Girard, né « le poing levé »

Lundi 5 Mars 2018

Lyonnais d'origine, Christophe Girard est né en 1968. Une date significative pour celui qui s'efforce à représenter dans ses albums des personnages à la destinée extraordinaire. Celui qui s'est « réconcilié il y a peu avec l'humanité » vit aujourd'hui à proximité de la frontière suisse où il partage sa vie entre ses albums et les cours de dessin qu'il donne.


Ces professeurs disaient de lui qu'il n'était jamais à l'heure, « qu'il avait un siècle de retard ou d'avance ». « J'ai des journées éclectiques. Je dessine parfois 14 heures et j'essaie de faire une planche par jour. Je peux travailler dans des bistrots ou des cafés où j'ai mes habitudes », résume le dessinateur.  « Il a toujours ses planches et son matériel sur lui. Son travail ne le quitte jamais », indique sa compagne, Clélie. « J'adapte le visuel à l'histoire. Je change de techniques au fil des albums. Je mets entre 9 mois et un an pour en réaliser un », poursuit-il. Lyonnais d'origine, Christophe Girard est né le 29 mai 1968 à Trévoux dans l'Ain et est diplômé de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. La date est symbolique pour un dessinateur qui « aime mélanger la petite histoire dans la grande » puisque c'est le jour où De Gaulle quitta la France lors des célèbres événements éponymes. « Ma maman aime dire que je suis né le poing levé. Cela me colle à la peau, mais je ne partage pas les idées de mai 1968 », précise l'artiste. Anthony, un de ses proches amis et libraire, indique que le dessinateur est « un gros bosseur ». « Sachant que dans le monde de la BD les auteurs sont habituellement longs à réaliser des planches, Christophe se met lui à fond dans son travail en s'informe un maximum sur le sujet qu'il illustre étant donné qu'il fait principalement de la BD historique ». Il s'est installé dans le Pays de Gex depuis deux ans. Il est l'auteur de 13 albums et un carnet de voyage consacré à la ville d'Antibes. Sa passion pour le dessin remonte à l'enfance. « Ma mère a retrouvé récemment un cahier où je dessinais lorsque j'avais 4 ans. A cet âge, je faisais aussi des dessins sur les murs », se souvient-il.
Un professeur « amateur »
Son concubine voit le dessinateur comme « quelqu'un de sérieux avec un énorme sens de l'honneur » mettant un point d'orgue à respecter « les engagements et les délais ». Elle ajoute : « Il est dévoué, même trop à mon goût ». Les deux thématiques fortes de son œuvre : le social et la destinée. « Mes albums mettent en scène des personnes qui décident de changer de destin de manière volontaire ou non. Je veux que les choses avancent et que le lecteur réfléchisse ». Son style rappelle celui de Jacques Tardi, l'auteur d’Adèle Blanc-sec. Coïncidence ou non, ce dernier fut le premier à faire une dédicace à Christophe Girard. C'est désormais lui qui est attendu par les lecteurs. «Il a toujours une parole pour eux en dédicace », souligne Clélie. « C'est vrai que c'est toujours agréable de le recevoir en dédicace, assure Anthony. A chaque fois, il prend le temps de parler avec les gens en leur faisant de beaux dessins ». Ses débuts professionnels dans la BD, il les a fait suite à un concours organisé par Radio France. « J'ai participé et j'ai gagné mais ce que je ne savais pas, c'est que mon futur éditeur, Bruno, était dans le jury ». Ce dernier lui proposa dans la foulée de réaliser son premier album en 2005. « J'avais un complexe d'infériorité à l'époque. Même encore aujourd'hui, je me considère comme un amateur et je me dis que j'ai beaucoup de choses à apprendre ». S'il se voit toujours ainsi, il ne s'empêche pas de transmettre sa passion et son expérience, puisqu'il est, en parallèle de son activité de dessinateur, professeur de dessins aux Beaux-arts de Nice depuis 20 ans. « Mais je suis actuellement en congé de cette fonction pour des raisons familiales », prévient-il.  Une période vacante qui pourrait lui permettre de ranger « un peu plus souvent son bureau » comme le voudrait sa compagne. Mais pour elle, « c'est peine perdue » dit-elle d'un ton amusé.
La BD, source de souvenirs
« Le dessin est un temps de suspension dans notre vie : on se rappelle du temps, de l'odeur, de la personne. Moi, je me rappelle de tout », avoue le dessinateur depuis sa table à dessin. Que retient Christophe Girard de sa carrière ? À l'entendre, beaucoup de moments forts. « J'ai beaucoup de bons souvenirs comme la tenue en main de mon premier album ou par exemple le festival de Bastia où je me retrouve avec des personnalités comme Blutch et De Crécy, ou bien encore quand les lecteurs de Pays Kaki ou Ismahane me remercient, et parfois pleurent dans mes bras. Cela me touche vraiment car j'aime faire des BD avec des émotions fortes à l'intérieur. »
 

Un précurseur de la BD reportage et des carnets de voyage

Quand on pense BD reportage ou carnets de voyage aujourd'hui, on pense plus à Joe Sacco, Guy Delisle ou Joel Alessandra. « A l'époque, je me faisais traiter de ringard ».Mais l'auteur du « Linceul du vieux monde » a commencé bien avant eux. Il a crayonné les guerres de Bosnie et Croatie, les massacres des Kurdes et les camps de la mort alors qu'il était dans l'humanitaire ou pendant son service militaire.  Il raconte : « C'est une étape importante de ma vie, j'ai vécu des choses comparables à un film de Kusturica ou aux albums de Corto Maltese ».
Son travail de cette époque pourrait se résumer par une phrase : « Un crayon peut changer ce qu'une bombe peut stigmatiser ».  Des exemples de son vécu? « Je suis resté trois heures dans une rue avec un pistolet sur la tempe ou, lorsque j'étais en Moldavie, j'ai fêté un anniversaire sous une table avec les collègues d'Handicap international alors que les balles passaient au-dessus de nos têtes. » Christophe Girard reconnaît une certaine inconscience lors de ces moments. Il rêve d'y retourner mais se veut réaliste : « j'ai maintenant une vie de famille. »

Vincent Malaguti


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